A l'aire de l'anthropocène
Nos sociétés humaines modernes et contemporaines évoluent dans l’époque géologique appelée Anthropocène. C’est Paul Crutzen, météorologue et chimiste néerlandais ayant reçu un Prix Nobel en 1995, qui est à l’origine de ce néologisme. L’Anthropocène est l’ère de l’Homme. C’est un marqueur temporel qui indique que l’Homme est devenu le premier facteur de modification des éléments et des systèmes naturels sur Terre. Dans ce contexte, les humains et la nature ont souvent été considérés comme deux entités bien distinctes, les premiers contrôlant la seconde. Ce schisme est à la base de la crise environnementale mondiale actuelle. Aujourd’hui, une intégration de la nature dans les espaces des sociétés humaines semble incontournable. Le processus démographique et la grande urbanisation (voire littoralisation) à travers le monde – deux facteurs en grande hausse – rendent le travail d’aménagement de ces espaces urbains encore plus délicat. Comme signalé auparavant, ce travail est pourtant nécessaire, d’autant plus que les villes sont l’une des premières sources de pollutions sur Terre (industries, transports, énergies liées aux logements…).
Comment l'aménagement du territoire peut profiter à la fois aux espaces urbains, ruraux et naturels ?
L’idée de « durabilité urbaine » est née dans cette optique à la fin des années 1980. Elle s’inscrit au sein du concept de « développement durable » et semble proposer une alternative au modèle de développement techno-économique mis en place au milieu du XXème siècle. L’idée centrale de ce concept est de concilier (du moins dans les textes) l’aménagement urbain et rural (donc de tous types de territoires habités) et la protection et l’aménagement des espaces et des zones naturelles. Dans cette logique, une approche multiscalaire a été constituée en France. On observe une imbrication des différents documents de planification des territoires. Ces documents doivent répondre aux besoins quotidiens des habitants dans tous les domaines (logements, transports, commerces, loisirs…). Dans leurs directives, ils doivent assurer une qualité de cadre de vie, adapter l’organisation territoriale en fonction de la démographie, promouvoir la mixité sociale et garantir le maintien de la nature dans les secteurs urbanisés. Tous les types de territoires (urbains ou ruraux) doivent répondre à ces enjeux selon leurs moyens et leurs logiques politiques.
De l'imbrication scalaire des documents de planification
Au niveau des régions, c’est le SDRADDET (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires) qui définit désormais la stratégie territoriale. Le SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) se charge quant à lui de l’aménagement à l’échelle des intercommunalités. Enfin, le PLU (Plan Local d’Urbanisme) régit l’aménagement communal. La pluralité des déclinaisons des documents d’urbanisme permet à la fois de donner les grands axes et les enjeux globaux de tous types de projets (SDRADDET et SCOT), mais aussi d’adopter des directives précises répondant à des enjeux locaux (PLU). Un des points communs à tous ces documents, c’est l’importance de la problématique de protection de l’environnement et d’aménagement de la nature, en milieu urbain et rural. En effet, qu’il s’agisse d’une réflexion prospective régionale ou de l’aménagement opérationnel à l’échelle d’un quartier, la réalisation d’un diagnostic environnemental proportionnel et adapté aux enjeux pressentis s’impose.
L'intervention d'entreprises spécialisées d'impose
C’est une partie du travail de l’entreprise SIRE Conseil. Par exemple, dans le cadre d’un PLU, en visitant un terrain d’études, les spécialistes de l’entreprise identifient les zones naturelles du territoire communal (on définit 4 types de zones principales dans un PLU : zones urbanisées, à urbaniser, agricoles et naturelles). A partir d’un travail préalable de photo-interprétation, ils délimitent des espaces à préserver. Cela s’illustre sous la forme réservoirs de biodiversité, de corridors écologiques par exemple sous la forme de haies), de zones humides ou d’entités naturelles remarquables (par exemple des arbres remarquables). Une fois cette reconnaissance effectuée, ils portent ces informations aux autres acteurs du projet. Pour les aider, ils créent une carte qui montre les différents niveaux d’enjeux environnementaux (souvent sur 3 niveaux : faibles, modérés et forts). De cette manière, les porteurs de projet intègrent ces problématiques de préservations d’éléments naturels en fonction du niveau d’enjeux identifiés, en évitant l’aménagement des zones présentant les plus forts enjeux et, le cas échéant, en restaurant des continuités écologiques.
Un contrôle administratif aujourd'hui exigeant
Depuis quelques dizaines d’années, les autorités attachent globalement de plus en plus d’importance aux enjeux climatiques et environnementaux, notamment face à la dérégulation climatique grandissante et à la perte accélérée de la biodiversité. Pour aller dans ce sens de prise de conscience (tardive), une enquête UNEP-IPSOS de 2013 a révélé que plus de 9 Français sur 10 expriment le besoin d’un contact quotidien avec le végétal et les espaces de nature en ville et en milieux ruraux. Rappelons rapidement que la nature en zones habitées apporte de nombreux services écosystémiques culturels, de régulation et d’approvisionnement : dés-imperméabilisation des sols, biodiversité, épuration de l’air et de l’eau, séquestration du carbone, microclimats, plantes et gibier, etc. et ont un impact bénéfique sur la santé des habitants entre autres. Malgré une lourdeur administrative souvent décriée, les documents d’urbanisme actuels permettent une approche de l’aménagement tentant de concilier espaces urbains, ruraux et naturels, afin que la continuité et la cohérence de ces derniers soit optimale. Les diagnostics environnementaux à la base de ces projets qui concernent l’aménagement montrent cette dynamique d’intégration et de protection des éléments naturels au sein des espaces ruraux et urbains de notre époque actuelle. Si l’on croise plusieurs sources sérieuses (notamment les rapports du GIEC et de WWF), ces enjeux environnementaux vont prendre une ampleur bien plus importante dans les prochaines années.
Aussi, la dynamique actuelle observée dans les documents d’urbanisme est bien différente de celle qui l’a précédée. En effet, la prise en compte de la question environnementale au cours de la dernière décennie est davantage accrue. Les services instructeurs ont donc modifié leur approche quant au niveau de l’intégration de la biodiversité dans l’évaluation des incidences des projets d’aménagement. Il semble que le ménagement des espaces naturels soit aujourd’hui la clé pour la pertinence et l’acceptabilité sociale des documents d’urbanisme de demain.
Alors, selon vous, faut-il ménager ou aménager nos territoires ?