Projet de décret : évaluation environnementale des PLU(i)

Chronologie récente des dispositions législatives

Le 7 avril dernier a été mis en ligne un projet de décret, pris en application de l’article 40 de la loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite loi « ASAP »).

Premier rappel, l’article 40 de cette loi ASAP introduisait notamment la systématisation de la formalisation d’une évaluation environnementale pour l’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU). Ce même article annonçait par ailleurs qu’un décret en Conseil d’Etat déterminerait les obligations relevant des procédures d’évolution de ces PLU (révision, modification, mise en compatibilité).

Deuxième rappel, ces dispositions législatives viennent répondre à une décision récente du Conseil d’Etat : la décision n°400420 du 19 juillet 2017 par laquelle le Conseil d’Etat a annulé les articles R. 104-1 à R. 104-16 du Code de l’urbanisme en ce qu’ils n’imposaient pas la réalisation d’une évaluation environnementale à des documents d’urbanisme susceptible d’avoir des incidences néfastes notables sur l’environnement au sens de la directive européenne 2001/42/CE du 27 juin 2001.

Troisième et dernier rappel, un projet de décret relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme avait déjà été soumis à consultation du 11 septembre 2018 au 12 octobre 2018 pour répondre à la décision du Conseil d’Etat susmentionnée, sans suite… Voir notre article à ce sujet.

Les grandes lignes du projet de décret : focus sur le PLU et ses évolutions

Le projet de décret confirme que les PLU font l’objet d’une évaluation environnementale à l’occasion de leur élaboration.

Concernant la procédure de révision, l’évaluation environnementale est systématique lorsqu’elle permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 ou lorsque l’Etablissement Public de Coopération Intercommunale compétent ou la commune décide de changer les orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durables (PADD). La procédure de révision est soumise à un examen au cas par cas (réalisé dans les conditions définies aux nouveaux articles R.104-33 à R.104-37) si l’incidence de la révision porte sur une ou plusieurs aires pour une superficie inférieure ou égale à un millième du territoire communal ou à un dix-millième du territoire intercommunal, dans la limite de 5 hectares dans chacun des deux cas.

Concernant les procédures de modification, les PLU font l’objet d’une évaluation environnementale lorsque la modification permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000. Les modifications simplifiées dont l’objet est la mise en compatibilité du PLU avec un supradocument (par exemple avec un Schéma de Cohérence Territoriale) est soumise également à évaluation environnementale si cette modification emporte les même effets qu’une révision (changement des orientations du PADD, réduction d’un espace boisé classé ou d’une zone agricole ou d’une zone naturelle et forestière, réduction d’une protection édictée en raison de nuisance, de qualité de sites, de paysages, de milieux naturels, ouverture à l’urbanisation d’une zone à urbaniser de plus de 9 ans, de créer des orientations d’aménagement et de programmation de secteur d’aménagement valant zone d’aménagement concerté). Les procédures de modification dites « de droit commun » restent soumises, dans tous les autres cas, à un examen au cas par cas réalisé dans les conditions définies aux nouveaux articles R.104-33 à R.104-37. Ces dispositions ne sont pas applicables aux modifications dont l’objet est la réduction de zones urbaines ou à urbaniser, ou alors lorsque la procédure est mobilisée pour la rectification d’une erreur matérielle.

Concernant les procédures de mise en compatibilité, la formalisation d’une évaluation environnementale devient systématique lorsque la procédure emporte les même effets qu’une révision ou lorsqu’elle permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000.

Lorsque la mise en compatibilité est utilisée dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique ou dans le cadre d’une déclaration de projet en application des articles R.153-16 et R.153-17, c’est la procédure actuelle d’examen au cas par cas qui est utilisée. Dans les autres cas, c’est un examen au cas par cas réalisé dans les conditions définies aux nouveaux articles R.104-33 à R.104-37 qui devra être demandé à l’autorité environnementale.

Un nouveau cas par cas ? La convergence (incomplète) des procédures Plan - Projets

Le projet de décret prévoit l’écriture de nouveaux articles R.104-33 à R. 104-37 visant à préciser la nouvelle procédure d’examen au cas par cas des plans, schémas et programmes. Cette procédure viendrait s’ajouter à la procédure déjà existante, qui resterait applicable pour certaines mises en compatibilité. L’article R.104-33 deviendrait l’article R.104-32 et l’article R.104-34 deviendrait l’article R.104-38. Plusieurs évolutions du Code de l’urbanisme convergeraient alors vers la procédure d’examen au cas par cas applicable aux projets :

1.       La liste détaillée des informations devant figurer dans le dossier de demande d’examen au cas par cas est définie dans un formulaire dont le contenu est précisé par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme (pour les projets, c’est un formulaire CERFA qui s’applique).

2.       Le service régional chargé de l’environnement accuse réception du dossier, qui doit être saisi avant l’examen conjoint ou avant la soumission pour avis ou la notification aux personnes publiques associées.

3.       Le service régional chargé de l’environnement dispose d’un délai de 15 jours à compter de la réception du dossier pour demander à la personne responsable de compléter le dossier. Sans demande de compléments, le dossier est réputé complet. Ce point est exactement identique à la procédure « projets ». Le projet de décret ne précise toutefois pas le délai donné au responsable pour transmettre les éventuels compléments demandés (c’est également le cas pour la procédure « projets », le délai d’instruction débutant toutefois à compter de la réception des compléments demandés par l’autorité environnementale).

4.       L’autorité environnementale rend un avis conforme dans un délai de deux mois à compter de la réception initiale du dossier (quid, donc, du délai raisonnable de réponse laissé au responsable !). En l’absence de réponse dans ce délai, l’avis de l’autorité environnementale est réputé favorable.

Par ailleurs, le projet de décret vient par ailleurs explicitement consacrer à l’article R.104-33 une pratique de plus en plus répandue, qui vise à formaliser une évaluation environnementale volontaire.

Quelques précisions sur le contenu de l'évaluation environnementale

L’article 17 du projet de décret vient préciser les incidences devant être analysées au cours de l’évaluation environnementale : santé humaine, population, diversité biologique, faune, flore, sols, eaux, air, bruit, climat, patrimoine culture architectural et archéologique, paysages et les interactions entre ces facteurs. Etonnamment, n’apparait pas le thème énergétique, pourtant souvent au cœur des réflexions sinon directement à l’origine de procédures d’évolution des PLU (méthanisation, centrales photovoltaïques, etc.) !

Notre analyse (critique!) du projet de décret

Certes, avec ce projet de décret, la France se rapproche de la conformité attendue par la commission européenne en matière de transcription du droit européen. En effet, Bruxelles a estimé encore récemment que le cadre juridique français restait insuffisant et l’a fait savoir par une mise en demeure complémentaire envoyée le 18 février dernier (la première mise en demeure datait du 7 mars 2019).

On peut toutefois regretter que le législateur n’ait pas simplifié les différentes procédures. En s’appuyant sur le principe de proportionnalité, il aurait pu (dû ?) tout simplement systématiser la formalisation d’une évaluation environnementale pour l’ensemble des procédures d’élaboration et d’évolution des PLU. La précision attendue pour l’étude aurait alors été précisée au moment d’une note de cadrage, également systématisée.

Ensuite, en introduisant un nouveau dispositif d’examen au cas par cas il instaure une complexité qui sera probablement à l’origine de la fragilité juridique de nombreux dossiers. Cette complexité, déjà à l’origine de confusions entre les procédures « plans, schémas, programmes » et « projets » se trouve renforcée par ce projet de décret. Si le législateur ne souhaitait pas soumettre systématiquement à évaluation environnementale certaines procédures d’évolution des PLU, pourquoi celui-ci n’a-t-il pas décidé de réformer en uniformisant la procédure d’examen au cas par cas afin de créer une procédure singulière applicable à la fois aux projets et aux plans ? Dans tous les cas, pourquoi ne pas avoir alors choisi de nommer différemment la nouvelle procédure d’examen au cas par cas ?

Par ailleurs, on peut regretter que la systématisation d’une évaluation environnementale pour certaines procédures d’évolution se limite aux procédures susceptibles d’affecter de manière significative les sites Natura 2000. Pourquoi ne pas avoir élargi cette condition à l’ensemble des périmètres environnementaux reconnus (notamment les ZNIEFF) ? En effet, une des premières motivations de l’autorité environnementale décidant de soumettre une procédure à évaluation environnementale suite à un examen au cas par cas est l’absence de démonstration de prise en compte des richesses environnementales ayant justifié la désignation de tels périmètres.

Enfin, concernant la procédure de révision et l’introduction des seuils de superficie déclenchant l’évaluation environnementale, on peut légitimement se demander comment l’autorité environnementale gérera les évolutions saucissonnées dans le temps afin de rester sous le « radar » de l’évaluation environnementale systématique.

En conclusion, il s’agit incontestablement d’un projet complexifiant l’application du droit de l’urbanisme pour l’ensemble des acteurs. Espérons que l’application du futur décret ne soit pas hâtivement effective, afin de laisser le temps aux différents intervenants de s’approprier cette nouvelle écriture du Code de l’urbanisme…